17 avril 2008
Mes activités de directrice de production d’événements privés pour informaticiens, me font découvrir une facette cachée du tourisme de masse.
Adam&Eve est un immense hôtel de 2000 chambres en aluminium et plastique blanc au milieu duquel s’agite une population de turcs souriants, disponibles, polis, et habillés tout en blanc, également. L’atrium central long de 500 mètres et haut de presque huit mètres est entièrement couvert d’une mosaïque de miroir coloré. En son centre un immense bar d’un blanc immaculé accueille les clients sur des tabourets hauts ou des canapés également blancs. Il existe toutefois quelques touches de couleurs. Des arbres en métal et recouverts de fausses feuilles proposent des pommes rouges et carrées en pâte d’amande à la clientèle.
Les chambre toutes identiques, toutes en longs, toutes avec vue sur une piscine plus qu’olympique ont trois lits : un lit jacuzzi dans la salle de bain, un lit pour kamasoutra et un lit sur la terrasse. Elles sont également entièrement miroitées sauf le sol entièrement blanc et le plafond translucide d’où s’échappe des couleurs pâles et changeantes au rythme des voix et des sons. Ce lupanar aseptisé façon clinique rappelle que le sexe latex est un produit de consommation comme les autres.
La clientèle est constituée en grand majorité de femmes russes magnifiquement peu vêtues et bien évidement blondes, accompagnées d’hommes d’origines indéfinies mais conduisant immanquablement de grosses voitures.
À eux, se mélangent les informaticiens venus assister à un cycle de conférences sur le thème : comment gagner plus d’argent en utilisant la technologie Oracle. Tous sont positionnés sur le marché qui connaît la plus grande croissance des 10 derniers années ! Et 90% d’entre eux sont des hommes.
Autant vous dire qu’il m’est assez difficile de transmettre les informations nécessaires à cette population de travailleurs, lors de nos meetings dans l’atrium où défilent continuellement des créatures à la plastique presque autant impressionnante que la hauteur du plafond. C’est peine perdue. Alors je renonce et comme je ne participe pas aux festivités locales, en attendant de retrouver Paris puis Dakar, je « bosphore » au bord de la piscine immense en prenant la mesure de l’absurdité de ce qui m’entoure.
24 avril 2008
C’est avec assez peu de regrets, que je quitte le bordel turc et aseptisé. Après plusieurs heures de voyages incluant un bus, un vol, un RER, un autre vol et un taxi, je me retrouve dans un 7 places sans suspension jusqu’à la ville brûlante de Louga. Il me faudra 6 heures de diesel, de routes trouées, de baobabs, de charrettes et de sacs plastiques pour arriver à destination : le palais de Louga.
Je n’ai le temps que d’une petite nuit et d’une bonne douche, pour débuter la gageure qui m’amène ici. Il s’agit d’apprendre en 4 jours à 40 enfants une chorégraphie assez compliquée pour le tournage un clip international. Au bout de ces quatre petits jours, une grue articulée viendra s’installer sur la place principale de la ville pour filmer un plan séquence de 3,49 min la durée du morceau.
Nous travaillons jour et nuit encouragés par l’enthousiasme des enfants et des adultes qui les prennent en charge. Nous mangeons quand nous en avons le temps au sol dans plusieurs plats communs puis nous repartons lutter contre le temps, la chaleur du soleil, la lumière aveuglante et la poussière suffocante.
Tous nos efforts sont payants et au 5e jour, le clip est dans la boîte. C’est alors un bouquet de sourires blancs, une averse de bisous et des bains de câlins. Tout le monde est content : les enfants sont ravis, le groupe de musique est aux anges, le machino sourit du haut de la grue, le réalisateur et le chorégraphe peuvent enfin se détendre, heureux et apaisés. Et, moi je suis simplement épuisée.
De retour à Dakar, où il fait plus frais, je me laisse bercer par mon amie Saagar et ses filles. Demain, j’irai visiter Gorée et j’aurai une pensée pour Aimé Césaire avant de repartir pour la France et le festival de Cannes.
5 mai 2008
Il fait encore frais sur les plages cannoises malgré l’agitation qui précédent l’arrivée des festivaliers du monde entier. Cette année, la Gaumont pour laquelle je travaille a loué une grande villa dans les hauteurs avec une piscine qui dégouline en cascade sur la colline. La vue est saisissante. La cuisine est luxueuse. Le confort des chambres est inégalable. La propreté de la maison et du jardin est inquiétante : pas un brin de poussière, pas l’ombre d’une moisissure, la brise qui entre par les fenêtres semblent être filtrée tant elle semble pure.
C’est dans cet univers luxueux, qu’un après-midi, au beau milieu du festival, alors que tout semble désert dans la maison et que j’ai grand besoin d’une micro-sieste, je décide de prendre un bain dans la piscine. Tout le monde est parti en RDV ou en projection. J’ai finalisé la longue liste de mes « to do » pour la matinée. Je prends le risque et je me retrouve en culotte dans l’eau à regarder le monde grouillant le long de la mer lointaine.
C’est alors, que j’entends une voix derrière moi, me demandant en anglais s’il y a de la place pour elle dans la piscine. Je me retourne sur Uma Thurman, en maillot de bain, qui me sourit de toute sa beauté. Elle est seule. Comment est-ce possible ? Elle entre dans l’eau et s’approche de moi en commençant une discussion sur la fatigue qui la gagne. Le moment de grâce est rompu à peine quelques minutes plus tard par une armée d’assistants et d’attachés de presse, qui m’ordonnent de m’éloigner d’un regard sévère.
Je me sauve gênée et penaude et retourne à mes activités de logisticiennes. Il s’agit maintenant d’accorder les couleurs des bouquets à la teinte exacte de l’invitation de la soirée, elle-même, s’accordant avec l’affiche du film de la soirée.

20 mai 2008
Je suis de retour dans mon mini loft parisien avec un mémoire un hôtel faussement luxueux où se mêlent sexe décomplexé et signes ostentatoires de richesse, un centre d’accueil pour jeune de la rue dans un des pays les plus pauvres de la planète et un festival de cinéma où l’on boit du champagne hors de prix.