Croisière en Norvège avec Elsa

Ce matin là, mon amie Elsa me dit qu’elle partait prendre l’air frais du grand nord. Tout de suite, j’ai voulu l’accompagner. J’ai acheté un billet et je me suis envolée pour la retrouver à Oslo.
Richard With est le nom d’un des 20 bateaux de croisière de la compagnie Hurtigruten. Il peut accueillir jusqu’à mille passagers dans ses 500 cabines doubles et ses grandes suites familiales. Mais heureusement, le mois de novembre est la basse saison pour les croisières dans les fjords norvégien. Nous ne serons qu’une centaine pour cette semaine. 

Sur ce bateau ville, le 7e étage à la moquette abominable, offre une vue panoramique. Au sous-sol, on trouve un sauna mixte, toujours vide et une boutique de souvenirs avec des rennes en peluches, des timbres du cercle polaire et parkas Hurtigruten. Entre les deux, répartis sur 5 ponts absolument identiques, les cabines s’alignent dans des couloirs à la Shinning. Sur l’avant de chaque pont, un restaurant, éclairé telle une salle des fêtes, propose des repas à prix exorbitants.

Avec Elsa, les choses se sont organisées entre séances photos dans le vent glacé, casse-croûte dans un des restaurants avec nos victuailles sagement apportées de France puis sauna pour se réchauffer. Nous descendions aux escales pour visiter les villes enneigées. Puisque le soleil ne se lève jamais totalement et qu’il met environ 4h à se coucher, la lumière est continuellement celle d’un lever de soleil. Un bonheur pour les photographes. L’heure de la belle lumière est constante pendant les 5h de jour.

Pendant la nuit, qui débute à 14h, nous nous baladions de ponts en ponts. Un groupe de retraités américains parlaient étonnement trop fort et semblaient continuellement joyeux et affairés. Des couples allemands marchaient en se tenant par la main ou le bras en silence. Ils levaient la tête simultanément pour nous saluer. Nous avons également croisé Li You, jeune japonaise perdue au pays des lapons qui avait elle-même perdu sa carte de cabine. Régulièrement, nous nous retrouvions nez à nez avec trois hommes que je soupçonne de former un trouple, et qu’Elsa imagine espion du KGB. Depuis les ponts, nous espérions surtout croiser une baleine ou une orque.
Au réveil à 7h, nous avons passé le cercle polaire. Le jour commençait à peine. Le bateau a sonné pour saluer le nouvel océan. Ensuite, le jour s’est levé, doucement, lentement. En Afrique, près des tropiques, il se lève, comme ça, d’un coup, sans même qu’on ait eu le temps de le suivre. Mais ici, dans le nord, il prend son temps. Toute la matinée n’est que calme et mélancolie. Autours de nous, tout est beau et doux. La lumière rasante embellit le monde.

En ville, nous croisions souvent des Norvégiens mains nues, sans bonnet, Parka ouverte et même un enfant en short. Un jour nous en avons profité pour avaler un hot dog norvégien avant de remonter à bord et de filer nous réchauffer au sauna.

C’est là que les ennuis ont commencé pour moi. 
Le bateau s’est mis à bouger beaucoup et mon estomac avec. Oublié la lumière pâle du perpétuel lever de soleil, oublié le plaisir de transpirer au sauna, pour ensuite avaler un thé bien mérité, oublié le plaisir de voyager avec Elsa. Je détestais l’océan qui bougeait sans cesse, le froid et le vent qui refusaient de nous laisser en paix, cette terre si découpée, torturée par la glace, le sel, l’écume, ces gens si polis mais si distants. Je voulais mourir et je voulais mourir chez moi. Douce France, gris Paris, ne me laissaient pas ici, penchée sur la cuvette des toilettes en plastique d’une cabine trop petite. Putain encore 20 min avant la prochaine escale… Dès la terre ferme en vue, j’ai avalé un citron chaud et je me suis préparée à l’accostage. Rien de telle qu’une balade en ville pour retrouver ses fonctions digestives.

Il faut dire, qu’hier soir avec Elsa, nous sommes allées dîner dans un des restaurants à côté de nos américains souriants et bruyants. Au moment de partir, personne ne nous a demandé ni de payer, ni de signer, ni même notre n° de cabine : rien de rien. Depuis, une culpabilité délicieuse nous pousse à imaginer qu’on nous espionne, voir qu’on nous suit et que les gens chuchotent et détournent le regard à notre passage. À chaque annonce du haut parleur, nous sursautons, persuadées qu’une police secrète, constituée depuis notre délit et dirigée par les espions du KGB, est à nos trousses. Il paraît même qu’ils auraient des drones télédirigés pour nous surveiller et nous punir. Voilà la raison de mon retournement d’intestins ! D’autant plus qu’Elsa a failli me suivre dans cette voie dès que le bateau est reparti.

Au passage des îles Lofoten, le climat s’est radouci. Nous n’avions même plus besoin de gant sur cette dentelle d’îles et d’îlots au sommets montagneux très haut. La beauté du coin est saisissante. Le soleil se balade incessamment entre les montagnes. La lumière se joue de nos sens. Le froid devient caresse.

Une foule d’autochtones organisait un « hunting the lights » sur le bateau. C’est une coutume locale. Avec Elsa, nous nous sommes jointes aux festivités à tour de rôle pour guetter les aurores boréales et, nous protéger de l’attaque des drones. Mais ni l’un ni l’autre ne vint à nous.

Dimanche matin, après 6 jours de croisière, nous sommes arrivées à la fin du voyage : l’hôtel « Ami » de Stromso. Cette ville est la plus grande du grand nord. Elle est terriblement «  couchli » (Mignon en Norvégien). Jusqu’à présent nous avions vu les paysages industriels, des ports, des containers, des chantiers, et des centres villes en algécos colorés. Ici c’est bien plus joli. L’hôtel était situé dans les hauteurs de l’île principale juste au dessus du Centrum. Depuis ma fenêtre, je voyais la mer et les montagnes.

Une fois nos affaires déposées, nous avons mangé un morceau. Il faisait déjà nuit alors même que nous n’avions pas encore déjeuné. Au menu un carpaccio de rennes en entrée, une soupe de poisson pour Elsa et une omelette avec un chocolat chaud pour moi pour 60 euros par personne.

Ensuite, nous avons traversé à pied le pont qui relie l’île principale au continent. Ici, toutes les villes ont un pont. Au bout du pont, il y avait la cathédrale arctique où se tenait un concert de Bach. 

Au retour, nous croisons deux Kebab, un pub anglais, un restaurant indien, un Muji, un H&M, plusieurs mini super marchés tenus par de grands bonds, pas mal de restaurant vendant du rennes grillés et de l’élan séché et un salon de coiffure tous les 10 m. Pourquoi cette obsession capillaire? Quand on pense qu’ils doivent passer 8 mois de l’année la tête dans des bonnets, c’est bien étrange. Je pensais que les Sénégalaises étaient les championnes de la coiffure mais il me fallait aller si haut dans la nuit infinie pour comprendre qu’il y a un lien fort qui unit l’Afrique aux scandinaves !

Pour notre dernière journée polaire, nous allons visiter… Polaria : le musée de la nature et de la protection de l’environnement. Il possède un aquarium. Nous y avons appris que l’océan arctique est le dernier relais des poubelles du monde. Pour limiter sa pollution, il faudrait s’acheter un unique téléphone portable pour toute sa vie, ne plus jamais mettre de maquillage, éviter toute forme d’aérosol, manger bio pas pour notre cancer naissant mais pour éviter de renforcer la quantité de pesticides et d’antibiotique qui sont rejetés lors de l’élevage et de la culture. Après, nous sommes montées voir les phoques à moustaches. C’est un peu comme de grosses loutres. Actifs, joueurs, curieux. Capital sympathie très élevé ! Surtout auprès des enfants et des cousins de Li You qui m’ont accompagnés dans ma visite. J’ai aussi vu plein de micros choses : mini crevette, mini poisson, mini mollusques et aussi les maxi trucs : méga crabes, maxi calamars, algues géantes, surprenants escargots de mer de 40 cm de long….

Notre dernière soirée nous la passons devant la TV à regarder les publicités. J’ai toujours trouvé qu’elles sont un bon moyen de comprendre la société qui les produit. Mon étude sociologique sera imparfaite car en réalité, nous n’en avons vues que très peu : très peu dans la rue, très peu à la tv, très peu à l’aéroport. Il n’y en a pas eu pendant les programmes, ni pendant les films, pas d’affichage en ville autre que sur les arrêts de bus et uniquement 2 écrans à l’aéroport.  Toutes celles que j’ai vu sont informatives : à quoi ça sert, comment on s’en sert, combien ça coûte. Pas très imaginatif et surtout pas grand chose de sexy. Par exemple, cette pub façon TV achat entre deux films qui explique comment marche, si bien, l’épilateur à lumière pulsée, NoNo. On y voit une femme épiler les poils du dos d’un homme et, incroyable, un homme épiler les aisselles d’une femme. Sa femme ? Il semble qu’ici l’allusion sexuelle n’aide pas à la consommation. J’ai tout de même trouvé une affiche où une jeune blonde en bonnet est extrêmement joyeuse de voir un homme de couleur noir également en bonnet entrer dans son jacuzzi. Et une autre sur laquelle 2 hommes et 1 femme du même âge sont allongés sur un grand transat en train de kiffer au soleil d’une plage paradisiaque. La femme est, bien sûr, au centre. Est-ce que ça veut dire, j’aime la chaleur et la double pénétration ? En tous les cas, en France, il n’y a que des couples ou des familles, peut-être quelques groupes d’amis mais certainement pas allongés lascivement sur le transat d’une plage déserte.

Finalement, nous n’avons pas vu d’aurore boréale. Nous n’avons pas croisé de baleines. Mais nous avons vu tant d’autres merveilles.