21.01.21
9h32
Je me prépare à prendre une douche quand la sonnerie de mon téléphone m’entraîne au salon.
C’est Ivan, le jeune homme qui me coiffe depuis quelques années. Je réponds un peu inquiète. Pourquoi mon coiffeur m’appelle-t-il si tôt un jeudi matin?
Heureusement, il s’agit d’une bonne, d’une très bonne nouvelle.
Ivan a rencontré celui qui deviendra sa première relation sérieuse à Moscou, il y a maintenant 8 ans. Il se trouve que ce jeune homme est un français de passage dans la capitale Russe. Ivan, quant à lui, est venu y passer quelques jours de liberté dans les soirées secrètes organisées par la communauté gay. Ils se rencontrent, ils se plaisent, ils ont une aventure et ils repartent chacun chez eux. Mais la graine de l’amour est semée et cette aventure deviendra une histoire d’amour. Les voilà donc qui prennent l’avion plus souvent que d’habitude, à chaque fois qu’ils le peuvent, à vrai dire. À chaque fois que les autorités des pays de l’un et de l’autre acceptent de leur délivrer des visas.
Mais les aller-retours c’est fatiguant. Et les démarches administratives sont chronophages et coûteuses. Ivan et son amoureux ont l’envie de vivre ensemble. La France permet aux couples homosexuels d’avoir une existence légale. C’est donc dans ce pays, dans le mien, qu’ils peuvent s’aimer sans crainte. Deux ans après leur rencontre, Ivan prend ses bagages et des cours de français et le voilà PACSÉ pour l’obtention d’un premier titre de séjour.
Ils sont pauvres. Mais, nous le savons, les amoureux vivent d’amour et d’eau fraîche. Ils squattent chez des amis, sortent beaucoup, travaillent un peu. Ivan découvre la liberté d’aimer au grand jour et les fêtes sans fin entre hommes, la drogue facile et les matins difficiles qui vont avec. Une année à vivre ainsi hors de l’espace et du temps. Mais doucement, tranquillement, la réalité reprend le dessus. La fête est moins belle et l’eau fraîche manque un peu de saveur. Ivan se sépare de son homme, de la drogue et de la vie de bohème en acceptant un CDI dans un salon de coiffure et il trouve François.
C’est à ce moment-là que je le rencontre, dans ce salon de coiffure où une amie me propose de la retrouver. Nous discutons de tout et de rien comme il est coutume chez le coiffeur. Une chose en entraînant une autre, il m’apprend qu’il a quelques soucis administratifs avec l’état français et je lui propose de m’en charger.
C’était il y a 3 ans. Il avait déjà acheté une chambre de bonne dans laquelle il habitait et il fut facile avec le CDI de lui obtenir un titre de séjour travailleur temporaire. Dans nos sociétés travaillistes où l’entreprenariat et le capital sont valeurs sûres, il avait un avantage certain.
Mais Ivan est prudent et il aime la France. Il en veut plus. Il veut la nationalité. Ainsi il pourra y vivre sans retourner faire des démarches à la préfecture et il pourra s’occuper de François qui, suite à l’arrêt de la drogue, développe des TOCs nombreux très handicapants. Le pauvre ne peut plus rien jeter. Il n’arrive pas à fermer les portes, ni à terminer quoi que ce soit. Lui qui était un styliste en vogue, se retrouve perdu dans les méandres de ses peurs avec comme seul soutien un Ivan qui travaille sans cesse pour gagner le droit de rester auprès de lui.
Nous passons un accord, Ivan et moi : il me coupe et me teint les cheveux et je me charge de la paperasse. C’est long. C’est toujours long ces demandes.
Ivan trouve un second job dans les tournages de jeux vidéo. Il achète la chambre de bonne d’à côté. François voit régulièrement un addictologue. Ils sont différents mais ils s’aiment.
À 9h32 de ce 21.01.21, Ivan m’apprend que par le décret n° 43 quelque chose, il est devenu français ce matin !
J’en ai les larmes aux yeux moi, le jour de mes 50 ans.
Quel joli cadeau d’anniversaire de la part de Ivan qui ne savait même pas qu’il y avait autre chose que sa propre joie à fêter ce jour-là.
Bienvenue à lui. Longue vie à ses amours !
Il va falloir maintenant que je paie pour être jeune et jolie mais à mon grand âge c’est peut-être la moindre des choses.
En droit des étrangers une des premières questions que l'on se pose est la nationalité de la personne qui nous consulte. Il existe des code bilatéraux qui priment sur le CESEDA (code de l'entrée et du séjours des étrangers et du droit d'asile). Aspect vertical de la nationalité. Rattache une personne physique à un État : ce rattachement confère des droits civils et des droits politiques et en retour l’État attend que la personne satisfasse à des devoirs. Aspect horizontal. intègre une personne à une communauté et soumet cette personne à un statut juridique commun. Par la loi du 22 juillet 1993, les 160 articles du code de la nationalité réintègrent le code civil entre les articles 17 et 33-2 Sauf exception, la nationalité française repose - sur la filiation (jus sanguinis). On est français si l'un de nos parents est français - sur le droit du sol (jus soli). Il s'agit en France du double droit du sol = on est français si on est né en France d'un parent né en France. On peut également acquérir la nationalité française. Dans le cas d'Ivan il s'agit d'une naturalisation. (art 21-15 du CC) - l’étranger peut acquérir la nationalité française à sa demande par décret. Conditions : o l’âge : 18 ans au moins à moins qu’il s’agisse d’un mineur étranger qui a résidé avec un parent devenu français (art 21-22 du CC) o le stage : le centre principal des intérêts du candidats doit être établi de manière stable pendant 5 ans avant la demande. Ce stage fait l’objet de nombreuses dispenses (art 21-18 à 21 -20 du CC : par exemple un stage réussi pendant 2 ans d’études supérieures en France avec objectif d’obtenir un diplôme) o la dignité et l’assimilation à la communauté française : connaissance de la langue, de l’histoire, des droits et devoirs associés à la nationalité française, des valeurs de la république. Le défaut d’assimilation est une source majeure de contentieux devant le Conseil d’État Le candidat doit signer une charte des droits et devoirs du candidat à la nationalité française Alors que la France est plus enclin que les autres pays à offrir une nationalité à ceux qui la demande (sous réserve d'un certain nombre d'obligation du demandeur comme par exemple parler français), les lois Pasqua de 1993 ont largement limité l'accès à la nationalité française de façon "automatique". En particulier pour les enfants des ressortissants des anciennes colonies françaises ou ceux nés en France de parents étrangers. Ils ont été contraint à une déclaration préalable (dite « manifestation de volonté ») faite entre 16 et 21 ans avec la condition qu'ils vivent sur le territoire français à leur majorité,impliquant un processus administratif très complexe. https://www.histoire-immigration.fr/collections/1993-reforme-du-code-de-la-nationalite