FID Marseille – festival du cinéma de Marseille
Budget : 900 000 euros
Lieu et structure : Marseille – association Vue sur les docs
Durée : 6 jours
Nombre de salles : 8 salles réparties dans toute la ville
Programmation : 150 films – 250 projections – compétitions internationales et nationales de film en premières mondiales, rétrospectives, sélections thématiques, RDVs professionnels (FIDLab), éducation à l’image (FIDCampus)
Équipe : 100 personnes
Bénévoles : 50 personnes (accueil en salle, chauffeur, caisse, petite régie…)
Nombre d’invités : 300
Nombre d’accrédités : 800
Poste occupé : direction technique / direction de production
Missions et responsabilités :
- gestion du budget opérationnel,
- création de la grille des programmes,
- suivi du sous-titrage et de la régie copie,
- répartition et planification du temps de travail et management des équipes techniques,
- accueil des réalisateurs.
Le FID n’est pas seulement un festival de cinéma, c’est aussi une maternité ! Une maternité pas comme les autres.
Vous savez, c’est une de celles où les parents attentifs et inquiets, après plusieurs mois (parfois plusieurs années) de gestation, viennent offrir au monde leur nouveau film si cher, chéri et attendu.
Ils sont là,
toutes et tous,
ne voyant que leur propre progéniture,
à peine née,
parfois prématurée,
le plus souvent accouchée dans la douleur.
Le FID est là pour les accueillir et tâcher de les rassurer. Parfois cette maternité, prend l’aspect d’un service d’urgence et, presque toujours, d’un service d’aide psychologique menés pendant 6 jours par l’obligation de précision et le désir d’excellence.
Chris Gude est l’heureux papa d’une jeune Mariana (Colombie | 2017 | 64 minutes | HD). Elle est née à New-York mais a été conçue en Colombie. Il a choisi de suivre toutes les étapes de fabrication suivant un protocole fait de deadlines respectées et de demandes précises et argumentées. Les parents comme lui nous simplifient la vie ! Avec eux, pas besoin d’insister, de répéter, de quémander ou même de nous inquiéter. Le bébé arriva ainsi en temps et en heure déjà mis au monde de l’autre côté de l’Atlantique entre Amérique du nord et du sud. Mariana a fait ses premiers pas au FID sans encombre et sans stress grâce aux soins précis de son pères. Nous espérons un avenir intense à l’immigrée Mariana.
Malheureusement, tous les parents ne sont pas comme Chris. Certains nous font porter le poids de leurs inquiétudes personnelles.
Bébé Ostinato (France | 2017 | 67 minutes | 8 mm & HD)fait partie d’entre eux. Sa maman, Anne-Marie Faux était très apeurée que son petit fasse sa première le vendredi 14 juillet 2017 sous les pétards et les feux d’artifices. Il a fallu tenir bon pour que finalement elle accepte. Mais, tout de même, elle a oublié de nous apporter Ostinato pour nous puissions le prendre en charge. Le jour avait pourtant été convenu de longue date et nous avions confirmé la veille. À la place, elle est partie loin de la vie marseillaise, pour se détendre, avant la grande première emportant avec elle, bien sûr, Ostinato. Nous lui avons demandé gentiment de bien vouloir venir au plus vite que nous puissions nous occuper de son petit.
Il y eu quelques fâcheries au moment de la projection. Le bébé Ostinato semblait avoir un souci au niveau de sa voix centrale. Anne-Marie, au désarroi, accusa en public nos installations. Mais finalement en off elle admit, que, peut-être, le parrain mixeur pourrait, éventuellement, avoir été un peu responsable du manque phonique central.
Nous avons également à faire face, souvent, très souvent, à ce que l’on appelle les impondérables. Dans les festivals, on n’aime pas trop les impondérables. Notre travail consiste à tenir des délais, à prévoir le pire, à mesurer les risques, à gérer les aléas à grand renfort de rétroplannings et de plannings. Nous devenons en quelque sorte des gardiens du temps.
Les parents réalisateurs viennent enfin confier leur tout dernier né à des inconnus certes bienveillants et rassurants mais, tout de même inconnus. À nous de leur donner confiance.
Nous pourrions le faire bien plus aisément sans l’enquiquinant imprévu :
- Un avion en retard,
- un livreur Fedex qui ne se présente pas,
- une voiture cassée,
- un film qui ne veut pas s’ingester,
- un régisseur qui se blesse,
- un sous-titrage non correspondant,
- les jurys capricieux…
Ils sont tous nos ennemis.
Le bébé Vitalium, Valentine (France | 2017 | 60 minutes | HD) a été confié au bon soin d’un ami de la famille pour arriver par le train 3 petits jours avant son grand moment.
Tout allait bien sauf qu’elle était née sans ses sous titres anglais. Ou plus exactement, ses deux pères, réalisateurs et producteurs, Jean-Charles et Christophe, avaient oublié de les transmettre.
- « Allo, Émilie chérie, je ne sais pas si tu t’en es rendue compte, mais Valentine n’a pas de sous-titres. Nous les avons oubliés lors de la phase finale », me dit papa Jean-Charles, le lendemain au téléphone.
J’ai pensé que c’était un bien étrange oubli. D’autant plus que les sous-titres existaient bel et bien puisque que les papas sont arrivés le jour du grand jour munis d’un autre bébé cloné avec sous titres anglais dans un autre export. C’était 20 min avant la première. Nous avons à peine eu le temps de transférer Vitalium, Valentine en machine pour nous rendre compte après l’heure que le bébé cloné n’était pas à la hauteur de l’original. Vitalium, Valentine, passa donc dans sa version belle image, sans sous-titre. Papa Jean-Charles est un peu coutumier du fait puisqu’il y a 4 ans il avait terminé son bébé 2h après l’heure prévue de sa projection en salle devant un public impatient et donc finalement frustré.
Charlotte est, quant à elle, la maman très attentive de sa fille 1048 Lunes (France | 2017 | 60 minutes | HD). La petite, portée à bras le corps et à force de volonté dans une toute petite économie personnelle, a mis 2 ans plein à voir enfin le jour. Une longue gestation entrecoupée de moments de doutes, d’impatiences, d’inquiétudes, de souffrances et de grandes satisfactions. Le dernier mois fut intense pour que tout soit prêt au bon moment et que Lunes soit complète et finalisée de partout pour son grand jour. Mais c’était sans compter avec les fameux impondérables. Ces fâcheux s’en sont pris à la première naissance. À cause d’eux, bébé Lunes n’acquit une première fois assez à la traine et toute pâle. Charlotte en fut bouleversée. Elle qui avait passé tant de temps à choyer une colorimétrie adéquate à la beauté de Lunes. Il fallait tout recommencer et surtout comprendre qui était cet impondérable qui venait s’en prendre ainsi à sa fille. Une fois l’enquête résolue et une seconde naissance encore plus tardive programmée, Lunes fût montrée à son public complète et en beauté au bon moment. Tant mieux, mais que d’inquiétude et de stress pour les premiers jours de vie de la jolie Lunes.
Thierry de Peretti, a pour dada la Corse. C’est une obsession mais jamais une redite. Il avait deux bébés, cette année, à présenter sur son sujet fétiche. Le grand frère avait été suivi de près par des professionnels coûteux tout au long de sa création. Il nous est parvenu par voie dématérialisée sans encombre et la première en fut de même. En revanche, son petit frère dut lutter pour voir le jour. Pas de professionnels coûteux pour le fabriquer, il devait se contenter de ce que la création du grand frère lui laissait à grignoter. Nous avons donc aidé à le mettre au monde. Thierry nous l’envoya non exporté dans le bon format. À nous de nous en charger. Entre temps, il découvrit que le petit frère avait un petit vice de fabrication et s’octroyait par-ci par-là des sautes d’humeur visuelles et sonores. Il fallut donc recommencer une second fois. Heureusement tout fut réglé la nuit précédente au jour J et la première eut lieu. Thierry nous remercia chaleureusement de nos bon soins. Ce n’est pas toujours que les parents nous remercient ainsi.
Et puis, et puis, cette année, il y eu bébé Karl’s perfect day (Mexique, Allemagne | 2017 | 99 minutes | 16 mm)
Oh bébé Karl !
Que d’inquiétudes,
que de soucis,
que de recommencements.
Bébé Karl n’était pas du tout, mais alors, pas du tout terminé quand il a débarqué à l’aéroport de Marignane. Pourtant son père, Cristian, l’avait avec lui dans ses bagages sous forme finalisée. Mais bien vite nous avons compris, qu’en fait, ce n’était qu’une esquisse mal fagotée.
Son père-tuteur, Cristian s’est alors dépêché de reprendre depuis le début l’assemblage de l’image et du son du fœtus Karl. Puis le lendemain, il nous transmit les éléments et nous avons commencé un long travail de finalisation de son bébé. Chaque jour, jusqu’à la vielle, nous avons rencontrés des imprévus et des empêchements. À croire que les impondérables s’étaient ligués contre Cristian et bébé Karl. On craignait même la naissance d’un autiste : le son et l’image ne voulant pas aller ensemble. Cristian ne voyait que lui, n’entendait que la peur et l’énervement. Il ne savait plus que nous étions de son côté. Il n’en pouvait plus. Il ne voulait que la naissance de son petit tant attendu et si long à se matérialiser. Il fut désagréable et âpre. Il nous en voulut de ne pas trouver de réponses assez rapidement. Il nous bouscula, nous parla sèchement. De désespoir, la veille du grand moment, alors que les autres parents de Karl devaient arriver, nous sommes même disputés. Bébé Karl ne voulait pas voir le jour. Il fallu des forceps sous formes de pistes son ajustables et ingestables à part, pour que bébé Karl puisse être présenté au monde. Personne ne se rendit compte de son handicap congénital et peut-être vivra t-il toute sa vie sans en souffrir. En tous les cas, nous avons fait ce qu’il fallait.
Le FID est une maternité, parce que l’équipe de programmation découvre chaque année les toutes dernières productions qui seront présentées à Marseille en première mondiale ou internationale. Mais ce sont aussi des rétrospectives, des expositions d’art vidéo, des soirées, le FIDLab, le FIDCampus. C’est une machine énorme, une lessiveuse violente. Le FID dépasse les possibles, piétine le raisonnable avec brio et enthousiasme. La programmation somptueuse est portée par une équipe d’une inventivité géniale à toutes les étapes, à tous les niveaux. Pendant 19 ans j’ai repensé, revue, ré-imaginé mon métier chaque année pour être plus efficace, plus précise, plus dévouée, plus humaine. J’y ai appris tous les ans sur mon métier. J’y ai grandi avec toutes l’équipe que j’ai eu la chance et le plaisir d’encadrer à chaque édition.